Mission janvier 2023

Impressions générales et personnelles (Monique Schertenleib).

On pourrait imaginer qu’à la 13ème mission en Afrique, on fonctionne en mode automatique.

Il y a en effet quelques gestes «routiniers» : organiser les rencontres avec les participants à la mission, informer sur les vaccins et médicaments ainsi que la vie sur place, consulter le prix des billets d’ avion, les normes sanitaires en vigueur (surtout après Covid), etc..

Mais ce qui différencie une mission de l’autre ce sont les personnes qui participent et qui font possible une nouvelle aventure.

Alors cette année nous ont accompagnés:

Caroline Zufferey, Instrumentiste

Clara Schaffer, Cheffe de clinique en Chirurgie Réparatrice

et Chirurgie de la Main

Sylvain Tosetti, Médecin Anesthésiste

Jérémy Loperetti, Infirmier Anesthésiste

Michel Lhande, Educateur Spécialisé

Nous avons passé 2 semaines à travailler dans une ambiance d’agréable coopération et à partager le reste de la journée dans une belle convivialité.

Merci à tous !

Pour nous (Pierre et moi) c’était la 3ème mission à Afagnan et commençons à trouver nos marques, le contact avec les Frères de St. Jean de Dieu devient plus étroit et intéressant. De mon côté j’ai pu découvrir qu’ils représentent un lien à développer entre nous et les patients.

En effet, la mission est chirurgicale, mais il ne s’agit pas seulement d’opérer, même si cela est l’essentiel, il faut aussi s’imprégner d’une culture totalement différente, et là, les Frères de la Communauté, d’origine togolaise deviennent le trait d’union entre le patient et nous, surtout lorsqu’il s’agit de prendre des décisions difficiles pour le patient.

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Nous pouvons dire que cette mission a été placée sous le signe des bagages. À l’aller manquait une valise qui est arrivée 4 jours plus tard. Au retour aucune valise n’était à l’arrivée à Genève, nous les avons récupérées 2 jours après pour certains, plus tard pour d’autres et avec des dégâts matériels intentionnels et malveillants sur un appareil d’anesthésie que Sylvain avait emmené…

Les kilos de layette tricotés comme chaque année par Monique Gaspoz ont fait le bonheur des mamans qui venaient d’accoucher à l’hôpital et du dispensaire de Katihoé que nous visitons à chaque séjour car à l’origine ce sont des Soeurs Hospitalières de Sion.

Avec Clara nous avons donné un aperçu du Drainage Lymphatique à l’équipe de Physio et laissé du matériel didactique. Ils étaient contents d’avoir accès à ces supports.

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Personnellement j’ai pu réaliser un rêve de jeunesse. En effet lorsque nous étions jeunes, avec mon frère cadet Michel nous nous disions « un jour nous irons aider les africains». Je pense que nous étions sensibilisés par les images qui nous parvenaient, même en Argentine, des enfants qui souffraient la famine au Biafra.

Et voilà qu’à presque 70 ans pour moi et 68 pour lui nous avons concrétisé le rêve. Michel s’est joint à notre équipe en tant qu’éducateur spécialisé. Cela lui a permis de découvrir des institutions dans son domaine, que ce soit à l’orphelinat des Soeurs Miséricordines ou à Zooti, à l’atelier de réinsertion professionnelle de patients atteints de troubles psychiques, ou à l’école maternelle d’Afagnan.

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A l’Hôpital d’Afagnan, en tant que coopérants nous sommes «choyés», que ce soit au niveau du logement, de la nourriture, des sorties organisées pour les jeunes (dimanche à la mer).

Une jolie fête de départ nous a été offerte et nous sommes repartis avec des vêtements sur mesure réalisés en un temps record.

Bref, ils aimeraient qu’on puisse venir 2 fois par an.

Point de vue chirurgical (Pierre Schertenleib).

Nous avons pu consulter dès le samedi matin 07.01 après une très courte nuit. La mission avait été bien préparée et anticipée par la Dresse Soeur Simona Villa et son assistant le Dr Romaric Tobomé, plusieurs patient-e-s étant soit déjà hospitalisé-e-s, soit à la consultation avec un bilan complet permettant de planifier des interventions dès le début de la semaine. De fait nous avons pu commencer à opérer dès le lundi 9 avec un programme plein. Ensuite les activités se sont poursuivies avec des interventions du lundi au vendredi et des consultations 3 fois par semaine (lu-me-sa). Nous avons ainsi réalisé 29 interventions sur 25 patient-e-s de 5 mois à 90 ans, mais avec, cette fois, une bonne majorité d’adultes. Nous sommes intervenus essentiellement pour des séquelles de brûlures, des plaies chroniques et des séquelles d’infection nécessitant des greffes ou lambeaux, des malformations des mains, des tumeurs du visage.

Toute l’équipe a bien travaillé. Les anesthésistes sereins et sécurisants comme d’habitude, Caroline a tout de suite retrouvé les bases de son métier, Monique a pleinement joué son rôle d’aide instrumentiste en faisant le lien avec la cheffe du bloc et l’équipe locale et j’ai pu apprécier la sûreté des gestes de Clara qui a vite intégré les notions de la chirurgie en conditions précaires.

Nous avons donc travaillé de manière quasi autonome dans une salle qui nous était dédiée. Nous avons ainsi pu épargner autant que possible une surcharge de travail du personnel local (anesthésistes- instrumentistes-aides). D’un point de vue général le bloc opératoire souffre de problèmes organisationnels et d’un manque de moyens (matériel de base).

Un inventaire global des ressources matérielles serait absolument nécessaire pour permettre un meilleur fonctionnement, chacun sachant alors ce qui est à disposition. D’autre part éliminer tout ce qui n’est manifestement plus utilisable en matériel fixe ou consommable permettrait d’aérer le bloc avec une meilleure lisibilité de l’emplacement de chaque chose, une meilleure hygiène globale et in fine une amélioration des conditions de travail.

Il faut signaler que plusieurs patient-e-s programmé-e-s ne se sont ensuite pas présenté-es pour leur intervention. C’est apparemment un phénomène relativement courant, les gens ayant de la peine à réunir les fonds destinés à payer leurs frais de traitement hospitalier, phénomène semble-t-il aggravé au mois de janvier, les gens ayant dépensé pour les Fêtes de fin d’année.

Quoiqu’il en soit les gens ont globalement très peu de ressources et les soins sont chers relativement à un salaire minimum par exemple ( que les paysans ou les gens de l’économie informelle ne touchent pas). Pour une intervention avec hospitalisation ce la va vite vers l’équivalent de 1 à 2 mois de salaire ou plus. Ce la mérite de notre part une réflexion ,à mener avec la direction de l’hôpital, sur une participation d’Atacora-Valais pour une prise en charge en tout cas partielle des frais liés aux interventions que nous réalisons.

Durant le séjour nous avons côtoyé une mission ORL française de 5 jours. Ce genre de rencontre est toujours fructueux. Il nous permet d’observer d’autres manières d’envisager la coopération, d’occasionner une réflexion de notre côté et de nous positionner.

Les dates de notre prochaine mission ne sont pas définies mais une chose est sûre : nous sommes attendus !

Impressions de l’infirmier anesthésiste (Jérémy Loperetti)

C’était ma première expérience de mission humanitaire et une première découverte de l’anesthésie en milieu précaire.

A notre arrivée le samedi, après une brève visite de l’hôpital et du bloc opératoire, je me suis vite rendu compte des conditions de vie locale ainsi que de l’adaptation à laquelle j’allais devoir faire preuve durant cette mission. J’ai rapidement été surpris par le manque de rangement, la présence de dispositifs défectueux ainsi qu’une hygiène hospitalière douteuse. Je me suis vite rassuré et dit qu’ en faisant preuve d’imagination et de quelques astuces nous pouvions malgré tout travailler dans des conditions respectables.

La journée du samedi et du dimanche nous ont permis de nous installer au mieux dans la salle d’opération avec le matériel amené depuis la Suisse.

Les 4 valises remplies de médicaments et de matériel d’anesthésie nous ont permis de nous mettre en sécurité afin de travailler dans des conditions les plus sécuritaires pour le patient. De plus, le matériel emmené permet de ne pas épuiser les ressources locales qui sont déjà minimes, d’assurer plus de confort au patient, notamment pour l’antalgie post-opératoire, mais également de leur laisser après notre départ un peu de médicaments et de matériel.

Nous avons débuté les opérations le lundi matin avec 2 patients adultes, nos préparations ainsi que notre installation nous a permis de vite prendre des repères. J’ai pu notamment me familiariser avec le circuit d’anesthésie, ainsi que l’Isoflurane (un gaz n’étant plus utilisé dans les hôpitaux Suisse depuis déjà plusieurs années). Le Dr. Schertenleib nous a rapidement mis à l’épreuve en opérant un enfant de 4 ans, présentant une bride cervicale post brûlure, avec de gros critères de ventilation et d’intubation difficiles. Cela a montré toute l’importance de notre préparation les jours précédents et l’anticipation médicale pour une telle anesthésie.

Nous avons au total effectué 29 anesthésies. Nous avons favorisé au maximum les loco-régionales avec plusieurs rachis mais également des blocs. Les patients avaient pour la plus âgée plus de 90 ans, et le plus jeune avait seulement 5 mois. Nous avons également profité d’enseigner aux infirmiers anesthésistes locaux l’utilisation de masques laryngés. Ces dispositifs pratiques, notamment en cas de ventilation difficile, semblent être peu utilisés. Le personnel d’anesthésie de l’hôpital d’Afagnan était toujours très motivé et intéressé d’observer nos différentes techniques d’anesthésie, notamment les blocs sous ultra-sons.

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Je tiens à remercier Pierre et Monique Schertenleib pour l’organisation de la mission. Leur expérience en Afrique ainsi que leurs connaissances acquises durant toutes ces années permettent d’être plus sereins.

Je remercie également Sylvain Tosetti qui m’a appris de nombreuses choses sur l’anesthésie en milieu précaire. Notre préparation, notre collaboration interdisciplinaire, ainsi que l’expérience de chacun ont permis d’assurer des anesthésies de qualité très proches des conditions européennes.

L’accueil réservé par l’Hôpital St-Jean de Dieu aux différentes missions est formidable. Le logement est agréable, nous sommes très bien nourris. Je remercie la communauté des Frères ainsi que tout le personnel soignant pour leur collaboration.

Impressions de l’instrumentiste (Caroline Zufferey)

Être bénévole pour une association caritative ou autres en Suisse, je connaissais bien mais partir en tant que bénévole pour une mission humanitaire au Togo... Là je ne connaissais rien, à part tout ce que l’on peut lire dans les journaux.

- L’année dernière, Pierre et Monique ont organisé, chez eux, deux réunions préparatoires à la mission Afagnan 2023. Ainsi Jérémy et moi-même nous avons pu profiter de leurs expériences et de celle de Sylvain pour ce type d’engagement humain et professionnel hors de la Suisse. Heureusement car les démarches administratives togolaises sont compliquées et conséquentes et c’est peu dire !!!

- Leurs conseils sur nos affaires personnelles furent des plus judicieux (ex : vêtements, produits divers, médicaments, nourriture de confort, etc...)

- La mission Afagnan du 06 au 20 janvier 2023 ne fut pas de tout repos pour moi, car sortir de sa zone de confort n’est pas une mince affaire lorsqu’on vient d’un pays qui a tout pour un autre pays où il y a si peu !

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- Entre Monique, Pierre, Clara, Sylvain, Jérémy et moi-même, le courant est vite et bien passé, un esprit d’entraide nous a unis pour nous permettre d’accomplir du bon travail en économisant sur le peu de matériel à disposition, en nous adaptant à un autre mode de pensée et surtout en respectant la culture togolaise.

- De notre séjour au sein de la communauté des frères de Saint Jean de Dieu, je garde un souvenir émouvant de leur accueil, de leur remerciement chaleureux et de leur bienveillance à prendre soin de nous (logement, nourriture, cadeau) qui étions venus prendre soin de leurs malades.

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- Mais le plus important à mes yeux c’est la finalité de cette mission Afagnan 2023 où j’ai compris la philosophie de « Atacora-Valais » à travers l’engagement de Pierre et Monique « Ensemble pour un geste, une main tendue, pleine d’humilité, d’humanité et de compassion vers l’autre, celui qui souffre et qui a peu reçu.»

Impressions chirurgicales (bis) par Clara Schaffer.

La mission 2022 s’est déroulée en janvier à Afagnan au Togo, un petit village dans les terres. Une arrivée très tard (ou tôt) dans la nuit vers 4h du matin. Heureusement un bon repas était là pour nous donner des forces avant la consultation bien remplie qui nous attendait à peine quelques heures plus tard. Dès le matin c’était le choc: déjà de température, des odeurs, de la pauvreté mais aussi des gens qui viennent avec des pathologies bien plus avancées que chez nous. Les gens sur place attendent beaucoup de la mission, ils ont l’espoir d’être guéris. Souvent on peut leur proposer une solution: il faut réfléchir à faire au plus simple avec le temps et les moyens à disposition, et ne pas leur créer plus de problèmes qu’ils n’en ont déjà en cas de complication.

Les gens de l’hôpital sont très accueillants et gentils, tout le monde est heureux de retrouver Monique et Pierre. Leur travail avec les équipes des années précédentes est resté dans les mémoires. Partout des sourires. On dit “bonsoir” à partir de midi, “bonne assise”, « bon appétit » ou « bonne digestion » selon le moment du repas, « bonne attente”, et surtout “bon travail”. Quand on dit « merci », on nous répond « c’est gratuit ».

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Au bloc opératoire, on fait avec ce qu’on a à disposition, et après quelques jours d’adaptation et d’organisation, on se sent “presque” à la maison. Heureusement l’association a réussi à faire amener énormément de matériel par container en plus du matériel qu’on a amené dans nos valises.

Au fil des jours, c’était intense d’assurer les opérations, le suivi des patients opérés, et la consultation pour voir les patients à opérer les jours suivants.

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On a eu des moments difficiles, notamment avec une patiente arrivée en coma à l’hôpital en raison d’ une infection très étendue et sévère de la main. Après plusieurs nettoyages, nous avons dû nous résoudre à proposer une amputation, d’abord refusée par la patiente même si sa vie était en danger.. C’est grâce à l’entremise du Frère dentiste de l’Hôpital que la patiente a fini par accepter cette issue. Il fallait passer la barrière de la langue mais surtout de la culture, nécessitant cette précieuse médiation. Finalement après l’opération, malgré le choc, les douleurs avaient disparu et la patiente avait le visage apaisé.

Je garde aussi l’image du petit Jordan, un enfant joueur, très souriant, et bien nourri. Il avait une syndactylie, c’est-à-dire deux doigts collés de naissance. Normalement on aurait attendu encore quelques mois avant de l’opérer mais tout avait déjà été préparé sur place avant notre arrivée (bilan préopératoire, payement de l’hospitalisation et place réservée au bloc opératoire). Il fallait y aller! On a donc séparé chirurgicalement l’annulaire de l’auriculaire aux deux mains. L’intervention s’est bien passée et je suis allée faire les pansements en chambre chaque deux jours pour m’assurer que tout allait bien. Il a bien cicatrisé et les parents étaient très contents. Ça nous fait chaud au cœur. Le papa nous a expliqué qu’il avait été opéré il y a longtemps déjà, dans de mauvaises conditions. Il ne pouvait plus utiliser correctement ses mains à cause des cicatrices des doigts qui n’avaient été que partiellement séparés. C’était une chance pour son petit d’être opéré par un chirurgien aussi expérimenté que Dr Schertenleib.

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Au final nous avons pu opérer presque 30 patients en deux semaines! Principalement des plaies après des infections, des séquelles de brûlures, des cicatrices chéloïdes, des tumeurs et des kystes, des malformations congénitales des mains/doigts, une infection de doigt de pied, une malformation vasculaire du pied.

En conclusion je ne dirai pas que c’était une expérience facile, de loin pas. Mais c’était incroyable de pouvoir aider ces gens qui ont si peu et de voir leurs sourires après l’opération. Ils nous ont aussi beaucoup donné en retour. Je me suis rendue compte qu’on peut faire énormément avec peu, à condition d’être motivés et bricoleurs.

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Bravo à Monique, Pierre, Caroline, Jeremy, Sylvain et aux gens sur place pour leur travail immense et merci d’avoir rendu cette mission si humaine et conviviale!

À l’année prochaine j’espère

Rapport anesthésique (Sylvain Tosetti).

Enfin !! Après plusieurs faux départs et reports divers dus à la pandémie de Covid, ainsi qu’à des incertitudes géopolitiques proches de Tanguiéta, lorsque nous nous sommes tous retrouvés dans le train pour l’aéroport de Genève à destination de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu d’Afangnan au Togo, cela nous a paru un peu irréel. Passé ce court moment de flottement, la joie de se retrouver pour cette mission a rapidement pris le dessus et le groupe a pu faire pleinement connaissance. Il y avait en effet quatre personnes pour qui c’était la première participation avec Atacora et à une mission humanitaire.

Cette édition 2023 a eu lieu avec un effectif anesthésique complet, comme la précédente de 2019. Un infirmier anesthésiste, M. Jérémy Loperetti ayant pu être libéré par le CHVR malgré les difficultés de personnel au bloc opératoire. Grands mercis à la cheffe du service d’anesthésie, la PD Sina Grape, et à la cheffe des blocs opératoires Mme Gervaise Barras. Le travail sur place a été rendu ainsi non seulement sécuritaire et efficace mais surtout cela a offert la possibilité de découvrir cette passionnante activité qu’est la médecine humanitaire dans un cadre sécurisant et entourée de personnes avec plus d’expérience. En effet, le travail dans des conditions précaires ne s’improvise pas et nécessite une très bonne préparation en amont car sur place les conditions sont éprouvantes et chaque personne est poussée proche de ses limites, surtout au début de la mission. Même une tâche simple, comme tester une machine d’anesthésie, peut vite devenir un calvaire lorsque les moyens manquent, le matériel fait défaut et il existe un risque d’erreur. Il est alors nécessaire d’improviser, mais pas n’importe comment.

Les populations locales, fragilisées, médicalement et socialement, attendent énormément de notre part et s’en remettent à nous en toute confiance, pour elles-mêmes ou leurs proches. Il est de notre devoir de leur fournir un service irréprochable et d’apporter des compétences maîtrisées à domicile. Ce qui change est la manière de les mettre en œuvre, en tenant compte des conditions locales. Chaque mission est un exercice d’humilité car nous devons apprendre à demander ce qui sera utile à la communauté, à l’hôpital, aux professionnels et ne pas transposer des solutions européennes à un environnement dans lequel elles ne dureront pas, ou pire, auraient des conséquences néfastes. « De quoi as-tu besoin ? » et non pas : « je sais de quoi tu manques et je te l’amène ». Ainsi, un appareil, une technique ou même une décision thérapeutique médicalement justifiée et qui serait la meilleure pour un patient dans notre environnement, doit peut-être être adaptée aux conditions locales, familiales, financières trop souvent.

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A ce titre, je souligne encore une fois le travail de fond réalisé par l’Association Atacora et l’engagement de Pierre et Monique qui ont su, au fil du temps et des missions, s’adapter aux populations locales et à leurs besoins spécifiques, pour finalement améliorer le quotidien des patients et de leurs familles, au travers des intervenants locaux, seuls clefs de réussite durable.

Ainsi, plus les missions se succèdent, plus nous voyons le personnel local progresser et c’est extrêmement motivant. Les relations avec les Frères hospitaliers et le personnel local sont très enrichissantes, même s’il y a des différences de formation, ils nous apprennent énormément autant que nous leur apportons. Les patients et leurs familles sont aussi des modèles de résilience, car c’est un peu le jeu du « Hâte-toi lentement » et un grand exercice de patience. Au début, nous voulons toujours aller trop vite, car nous voulons aussi aider le plus de patient possible en un minimum de temps mais la réalité (manque de matériel, défectuosité de certains appareils, finances insuffisantes, etc.) nous rattrape vite… la chaleur aussi ! Nous avons adopté alors petit à petit un rythme plus lent (dont nous devrions nous inspirer à domicile…) et plus humain, faute de quoi il faut changer la blouse et la charlotte de bloc plusieurs fois par jour !

L’entraide au sein de l’équipe est aussi très importante. Nous nous inquiétons des doses d’anti-malarique des autres, afin de ne pas les oublier, ce qui peut vite arriver la fatigue aidant. Au bloc opératoire, les bouteilles d’eau doivent se vider régulièrement et chacun doit pouvoir manger à sa faim. A ce sujet, nous avons été choyés par l’hôpital, avec des repas simples, souvent les mêmes, mais nous n’avons manqué de rien.

Bon, parlons un peu d’anesthésie. J’ai eu encore une fois un immense plaisir à pratiquer mon métier, à m’occuper des patients et de leur famille, les rassurer aussi car il y a souvent une crainte plus grande de l’anesthésie que celle de la chirurgie. On m’a demandé une fois dans une autre mission si j’étais « un grand ou un petit corbillard » … comprenez si j’avais eu beaucoup de patients qui ne se sont pas réveillés. Les chirurgies ont été variées et conformes à ce que nous avions anticipé en terme de matériel et de médicament. Ce qui avait été laissé sur place en 2019, dans l’idée de voyager plus léger la fois suivante, avait été utilisé (et tant mieux !), vu les différents reports de missions.En conséquence, nous avons dû partir avec environ 150 kg rien que pour l’anesthésie. Cela comprenait 4 bagages de 32kg (matériel et médicaments) plus une machine portable d’anesthésie (Glostavent® Portable DPA03 | Diamedica). Avec le rajout de cette machine, l’objectif était de pouvoir être complètement autonome pour notre mission et ne pas devoir reporter des chirurgies pour des raisons logistiques, en cas de défectuosité d’un appareil d’anesthésie local ou de manque de plages opératoires. L’état du parc matériel anesthésiologique s’est avéré un peu moins bon qu’en 2019 (surtout le frigo à médicament et la table d’opération qui peuvent être des sources concrètes d’investissement futur), par manque d’entretien et surtout de moyens financiers.

Grâce à la machine emportée, nous avons pu choisir une salle d’opération un peu à part du reste du bloc et poursuivre notre programme sans perturbations. Le corollaire recherché étant que nous n’avons pas non plus puisé dans les réserves locales de matériel ou de médicaments, ni gêné la planification opératoire souvent chargée et constamment remaniées par de nombreuses urgences. Le fait de pouvoir délivrer deux gaz d’anesthésie, dont le Sévoflurane, a été un atout, particulièrement pour endormir un enfant sans voie veineuse préalable. Malgré les soucis de vandalisme au retour et le surplus de bagages, c’est un très bon investissement et le gage d’opérations dans des conditions idéales.

Question matériel, une machine à ultrason ultra-portable faisait aussi partie des bagages et cela a permis de réaliser plusieurs gestes d’anesthésie locorégionales (ALR). L’ALR est très avantageuse dans ces conditions précaires, car elle permet d’éviter parfois une anesthésie générale, qui reste toujours plus à risque que chez nous (matériel, consultation d’anesthésie parfois lacunaires par manque d’informations: la notion d’allergie est difficile, le poids aléatoire, les antécédents cardiaques peu clairs) et l’ALR améliore l’antalgie postopératoire qui reste difficile à mettre en œuvre (aspect culturel de la verbalisation de la souffrance, formation lacunaire du personnel infirmier entre autres).

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Le matériel d’intubation difficile emporté doit être complet et maîtrisé, car sur place il n’y a pas de fibroscope. Nous avons eu affaire à une intubation prévue difficile, chez un enfant de 4 ans, souffrant de séquelles de brûlures au cou et au thorax, ayant entraîné une extension quasi nulle de la nuque. Grâce à la bonne préparation, à l’anticipation et à l’excellente collaboration entre anesthésistes et chirurgiens, nous avons pu intuber le patient avec succès et la chirurgie a eu lieu sans complications. Merci aussi à Jérémy pour son aide et son professionnalisme précieux dans ces moments difficiles.

Au niveau des médicaments, ceux emportés ont suffi pour les chirurgies prévues et nous avons même pu, comme espéré, en laisser sur place, à l’usage de l’hôpital ou en prévision d’une future mission. A propos des médicaments et de l’antalgie, il est important de prévoir la prochaine fois des opiacés à prendre par voie orale (p.ex. l’oxycodone à forme lente - Oxycontin®), plus faciles à gérer que la morphine intraveineuse.

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J’en arrive au dernier volet de ce rapport, à savoir celui de la formation du personnel d’anesthésie local. Il y a 6 infirmiers anesthésistes, qui se répartissent les gardes et un programme opératoire de 2 voire 3 salles la journée. Ils sont tous très occupés mais très motivés à apprendre de nouvelles techniques, comme l’ALR sous ultrasons ou la pose de masque laryngés. Nous avons aussi participé à plusieurs interventions pour des patients hors de la mission et avons pu apporter des compléments d’information. Cependant, lors d’une prochaine mission, il faudra prévoir quelques sujets concrets de formation (les appeler un peu avant la mission pour en discuter), comme un rappel des principes de réanimation ou l’antalgie postopératoire dans les services hospitaliers. Nous nous sommes aperçus qu’il y a eu une demande, non verbalisée les missions précédentes, probablement car une relation de confiance s’est installée et qu’ils n’hésitent pas à poser des questions. Un groupe WhatsApp a été créé, comme espace de discussion ou pour toute question de la part des anesthésistes locaux.

Très concrètement, nous avons réalisé 30 gestes d’anesthésie pour autant de chirurgies et 26 patients. En effet, 1 patiente a nécessité 4 interventions, et un autre 2. Le nombre total de patients a été moindre que les autres missions mais l’explication est probablement d’origine financière (au début de l’année, les sous ont été dépensés pour les fêtes de fin d’année, le Covid a aussi dégradé une situation financière fragile). La proportion d’ALR a un peu augmenté, ce qui justifie clairement le matériel emporté (aiguilles spéciales et anesthésiques locaux), dont une machine à ultrasons.

L’arrivée avec deux jours d’avance a permis de tranquillement reprendre nos marques et d’organiser la salle d’opération au mieux, ranger notre matériel et les médicaments. Nous avons constaté que l’hôpital possède des trésors de matériel, qui semblent oubliés dans des coins et ne sont pas utilisés pour diverses raisons. C’est un sujet de travail pour une prochaine mission, car, sans imposer des « recettes » européennes, un inventaire du matériel à disposition permettrait une utilisation plus efficace des ressources et, secondairement, ferait gagner de la place pour améliorer les locaux. Un exemple concret, la salle de réveil, encombrée par un fatras d’appareils défectueux et qui empêche d’en exploiter tout son potentiel. Un autre exemple, l’éparpillement du matériel et des médicaments qu’il a fallu aller chercher en courant (et avec un délai trop grand) lors de la réanimation d’un patient, opéré hors mission, pour laquelle nous avons été sollicités Jérémy et moi-même. Il s’est avéré qu’il n’existe pas de chariot réanimation à proprement parler et c’est un sujet d’amélioration dont nous avons pu discuter avec les infirmiers anesthésiste de l’hôpital.

La proportion adulte (18)/pédiatrie(8) reste identique à 2019, nous en avons eu cependant moins que les dernières éditions. La population est plutôt très jeune (majoritairement moins de 20 ans) mais il y a très certainement un facteur financier derrière ce biais. Notre plus jeune patient avait 5 mois et la patiente la plus âgée 90 ans (environ, car elle n’était pas certaine de sa date de naissance…).

Le poids moyen reste assez stable, quoique relatif. A part la pédiatrie, les patients ne se pèsent pas. Ce n’est pas une fixation comme en Europe.

En conclusion, Merci à toute l’équipe pour la super collaboration, à Monique et Pierre pour leur organisation légendaire et leur bienveillance, au personnel et aux frères et sœurs de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu pour leur accueil et leur confiance.

Vivement la prochaine édition !

Sylvain

Matériel (anesthésie et chirurgie).

Comme pour chaque mission nous amenons dans nos valises du matériel destiné à être utilisé pendant la mission mais également pour être laissé sur place à disposition de l’hôpital.

Matériel d’anesthésie : médicaments (per et post-opératoires) et matériel nécessaire à la réalisation d’environ 40 anesthésies générales (voies veineuses, seringues, tubes, masques etc).

Matériel chirurgical et de stérilisation (compresses, tenues de travail, fils, instruments chirugicaux, témoins et sachets de stérilisation).

Matériel chirurgical divers laissé à l’hôpital.

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