Mission 2019

10e mission médico-chirurgicale d’Atacora_Valais à Afagnan (Togo), décembre 2019. Monique Schertenleib

Cette année, ne pouvant pas faire notre mission annuelle à Tanguiéta (Bénin) pour des raisons de sécurité, nous nous sommes dirigés vers le 2e hôpital que nous soutenons celui d’Afagnan au Togo. Nous nous y sommes rendus du 6 au 20 décembre. L’équipe était formée de 7 personnes :

– Sandra Monnier, cheffe de clinique (chir plastique)

– Laetitia de Palma, instrumentiste

– Monique Schertenleib, physiothérapeute, aide de salle, relations Atacora-Valais

– Sylvain Tosetti, médecin anesthésiste

– Paul Urech, infirmier anesthésiste

– Pierre Schertenleib, chirurgien plasticien et de la main

– Patrice Zaugg, chirurgien plasticien et de la main.

5 décembre : grève générale en France. Nous sommes donc partis le 6 décembre en ne sachant pas vraiment jusqu’où on irait vu les incertitudes liées à la grève. Et à Paris, une fois installés dans l’avion pour Lomé, on nous annonce 2-3 heures d’attente au sol à cause de la grève des aiguilleurs du ciel à Bordeaux….Nous sommes pour finir bien arrivés dans la soirée à Lomé où nous étions attendus et d’où nous sommes partis directement pour rejoindre Afagnan. Après 90 km de bonne route et 10 de piste délabrée nous sommes arrivés sur place vers 2 h du matin et avons pris nos quartiers dans la confortable maison (chambres climatisées-ventilées) des coopérants de l’Hôpital St Jean de Dieu. Nous avons pu nous mettre au travail le lendemain : consultations pour les uns, prise de connaissance du bloc opératoire et installation du matériel pour les autres. Ensuite, après un dimanche de repos et d’exploration des lieux nous avons pu commencer à opérer dès le lundi 9.

La mission s’est très La mission s’est très bien déroulée grâce à la belle entente des membres de l’équipe. Afagnan jouit d’un climat qui met les européens à rude épreuve : il fait chaud -souvent plus de 35 degrés – et humide (80-90 % d’humidité) et les nuits ne sont pas fraîches. Nous étions donc contents de nous retrouver au bloc opératoire bien climatisé.

Après 9 missions à Tanguiéta nous avons donc découvert l’Hôpital d’Afagnan. Nous avons pu constater que cette structure dont les débuts de la construction remontent aux années 60 a pour certains aspects (structure, matériel) bien sûr vieilli, d’autant plus avec le climat chaud et humide. Nous avons trouvé une infrastructure un peu plus rudimentaire avec du matériel en partie vieillissant et moins abondant. Malgré tout nous avons pu tous travailler dans de bonnes conditions. Il faut dire que nous avons été très bien accueillis par la communauté des frères de St Jean de Dieu et le personnel de l’Hôpital. Il y a eu un petit temps d’observation au bloc opératoire et c’est normal car ils voient défiler des équipes européennes à longueur d’année et tout le monde amène avec lui ses conceptions du fonctionnement d’un bloc opératoire avec une diplomatie variable. Au final le personnel a été très coopérant, notre présence a été bien appréciée et la collaboration s’est effectuée dans un état d’esprit optimal. Ils nous ont surnommé la force tranquille… On ne voulait pas nous laisser partir avant que l’on donne une date pour une prochaine mission. A part la mission chirurgicale il y a une attente évidente concernant l’aide qu’Atacora-Valais pourrait fournir que ce soit en matériel ou en formation professionnelle (ils ont de toute évidence bien étudié notre flyer).

Du côté médical quarante interventions ont été effectuées (la majorité avec des anesthésies générales ou régionales et quelques-unes en anesthésie locale pure), concernant des patients de 2 à 70 ans pour des pathologies variées.

Les consultations préalables ont très souvent besoin d’un traducteur, un nombre relativement important de patients ne parlant pas le français. Nous avons également reçu l’aide et le soutien efficace, en consultation ou dans les services d’hospitalisation, des médecins-chirurgiens locaux, Soeur Simona Villa et Frère Claude Amana, qui ont bien préparé la mission, sélectionné des patients et assurent ensuite le suivi une fois que nous sommes partis. Nous recevons ainsi régulièrement des informations et photos sur certaines évolutions.

Nous avons été confrontés au fait que des patients ne peuvent payer leurs frais d’intervention et nous avons (Atacora-Valais) pris en charge une opération et les suites d’une autre (pour un patient qui a eu des complications post-opératoires et nécessité une autre intervention)

Rencontres

Avec Pierre avons rencontré Frère Ignace, directeur de l’hôpital afin qu’il nous informe sur la situation de l’établissement et les besoins.

– la subvention de l’État du Togo est bien inférieure à celle que reçoit l’hôpital de Tanguiéta de l’État du Bénin. Du fait d’une situation financière difficile la politique de paiement par les patients est plus stricte.

– Frère Ignace nous suggère des façons de les aider, par exemple :

– l’Association peut prendre en charge les opérations qu’elle effectue si le patient ne peut pas payer.

– l’Association peut aider la Pédiatrie en prenant en charge des journées d’hospitalisations (20.- Euros/journée)

Frère Victor, responsable du service technique, qui a fait une séjour de formation en 2016 à l’hôpital de Sion, nous a fait part des problèmes qu’il rencontre.

– Les machines à laver de l’hôpital sont en fin de vie. Si elles lâchent il n’y aura plus de linge pour la salle d’opération ou les lits de l’hôpital.

– les lits de traumatologie ont leurs mécanismes bloqués.

– la gestion des déchets de l’hôpital pose un gros problème. Les déchets qui devraient être incinérés ne le sont pas car l’incinérateur qui est en état de marche n’est pas utilisé en raison des coûts du gasoil qui représentent 80-90.-Euros par jour soit au moins un salaire mensuel moyen d’un employé. Du coup les déchets sont entreposés à l’air libre avant d’être acheminés dans une décharge.

Autres personnages marquants :

Sr Simona Villa. Elle est chirurgienne, responsable du service. Soeur Miséricordine, elle s’occupe avec les autres membres de sa communauté de la Maison de la Joie à Afagnan. Cette institution recueille 37 enfants orphelins ou livrés à eux-même. Sous la responsabilité de 2 éducateurs ils sont pris en charge du point de vue scolaire et santé. Les sœurs gèrent également une structure d’accueil pour malades mentaux.

Frère Claude Amana, médecin généraliste, seconde Sr Simona en chirurgie. Il a été très présent et disponible pendant la mission et assure le suivi de nos patients, nous renseigne sur leur évolution.

Nous avons également rendu visite au dispensaire des sœurs hospitalières de Katihoé (à une demi-heure de voiture d’Afagnan) pour y rencontrer notamment Soeur Marie-Bosco, originaire de Sion et Soeur Elisabeth de Suisse centrale. Après un passage par Afagnan dès 1998, elles ont créé avec les membres de la communauté d’alors le dispensaire de Katihoe en 2002. Soeur Comfort nous a fait visiter les lieux, salles de consultation, salle d’accouchement, salle d’opération pour l’ophtalmologie. Le sœurs font plus de 1000 consultations par mois et un bon nombre d’accouchements. Le travail accompli est remarquable Elles gèrent également un beau jardin et un grand poulailler source de revenus. La relève des sœurs fondatrices est assurée par une équipe de sœurs togolaises.

Nous avons partagé avec la communauté un très bon repas (après un apéro maison style grand-marnier!) et avons pu remettre du courrier et des spécialités valaisannes (fromage, viande séchée etc) de la part des Soeurs hospitalières de Sion.

Nous avons été impressionnés par le charisme des Soeurs Marie-Bosco et Elisabeth et l’étendue de leur travail (la communauté gère une autre dispensaire et un centre de santé mentale à Lomé).

Vu les dates de notre mission et les Fêtes de fin d’année approchant nous avons croisé seulement 2 jours une mission espagnole – chirurgie pédiatrique et maxillo-faciale- et ensuite nous sommes restés seuls dans la maison de coopérants. Là, nous étions bien choyés par Kofi. Dès qu’on lui demandait quelque chose, il se pliait en 4 pour nous l’avoir (notamment un gâteau d’anniversaire pour Patrice!). Nous avons bénéficié de yoghurts maison (conditionnés en sacs en plastique), de fruits – ananas, mangues, papayes – à profusion.

Comme chaque année Mme Monique Gaspoz nous a tricoté quelques kilos de layette que nous avons distribué en maternité pour la plus grande joie des mamans.

Grâce à un don d’une connaissance de Sylvain, celui-ci a confectionné des sets d’hygiène de produits achetés au marché local (savon, dentifrice, etc) qu’il a distribué à chaque patient opéré.

Le séjour s’est terminé par une fête offerte par les Frères de l’hôpital avec un menu d’exception: cochon de lait rôti, légumes et gâteau extraordinaire et ils ont offert à chacun des vêtements confectionnés sur mesure. Belle fin de séjour !

Monique Schertenleib

Rapport de la Dresse Sandra Monnier

Cette aventure humanitaire a été une première pour moi, et QUELLE expérience.

Je fais partie de l’équipe des chirurgiens, avec le Dr Zaugg et le Dr. Schertenleib, mais encore au début de ma carrière.

Je pense que le voyage peut se résumer en « choc » dans tous les sens du terme.

Un choc de température déjà, avec un petit 35° à l’ombre ! pour nous qui venions d’une Europe de décembre, notre corps n’était pas prêt. Nous avions la chance d’avoir une climatisation au bloc opératoire qui rendait les opérations tout à fait supportables, même si on était loin des frigos de Sierre. Et grand luxe : clim aussi dans la chambre, qui a nous permis de bien se reposer la nuit. Par contre je me rappellerai toujours de devoir m’essuyer la transpiration du front en plein pansement à la visite à 7h30 du matin…entre odeurs, réveil matinal, chaleur et réfection de pansement, la journée commençait dans le vif du sujet !

Un choc humain et culturel, même le français que nous parlons n’est pas le même, avec leur fameux « bonne arrivée » et « et la fatigue ? ». Allant même jusqu’à « bouge ! » si gentillement dit par l’aide salle pour que le malade se positionne sur la table d’opération. Mais tellement de gentillesse, autant des autres médecins, infirmiers, patients et aides de salles (entre leurs siestes sur le tabouret du bloc), je me suis sentie si bien accueillie.

Un choc médical, même corps humains mais pas les mêmes pathologies et pas les mêmes présentations (malheureusement la plupart des pathologies bien plus avancées que chez nous). Pas la même pratique médicale non plus : un scanner le mercredi matin 1x/sem, des examens de pathologie qui doivent être envoyés à la capitale et qui reviennent rarement, pas radiologie interventionnelle, pas IRM, les bandages qui sont « réutilisés » …

Ce qui m’amène à parler de ce jeune garçon d’une dizaine d’années, qui nous consulte avec une masse de l’avant-bras. Un scanner effectué à l’extérieur (dont nous n’avons pas les images) parle d’une tumeur d’un muscle…pendant l’opération, on se rend compte qu’il s’agit d’une malformation artério-veineuse avancée que nous ne pouvons pas enlever au risque d’une hémorragie sévère et de la perte complète du bras.

En Europe, une lésion telle que celle-là serait prise en charge en radiologie interventionnelle avec plusieurs embolisations et une prise en charge chronique sur plusieurs années. Malheureusement, pas possible à Afagnan…Notre jeune patient aura probablement le bras amputé dans un futur moyennement proche. Certaines situations où on se sent impuissant existent encore et ça m’a beaucoup marqué.

Evidemment, la majeure partie des patients ont pu être traités efficacement par notre équipe et c’est la beauté de cette expérience, de voir tous ces sourires et tous ces patients « aller bien ». Une petite fille adorable de 3-4ans souffrait d’une tumeur bénigne sur le scalp qui lui faisait une énorme bosse défigurant, nous avons pu la lui enlever sans complication en une seule intervention et son sourire en post-opératoire vaut tout l’or du monde.

Et pour finir, un électrochoc. Une prise de conscience de « à l’extérieur de nos murs stériles d’Europe », réaliser qu’on peut faire bien et différemment, qu’on peut faire bien avec moins et que ceux qui ont le moins sont finalement les plus généreux.

Un énorme merci à Pierre et Monique et ATACORA-Valais, pour votre engagement, votre histoire, tous ces patients aidés et votre compagnie tout au long de ce voyage. Merci de m’avoir offert l’opportunité de vivre cette expérience et d’ouvrir mes horizons.

Rapport anesthésique du Dr Sylvain Tosetti

L’édition 2019 a eu lieu avec un effectif anesthésique au complet, un infirmier anesthésiste, M. Paul Urech, ayant pu être libéré par le CHVR, ce qui a facilité le travail sur place, tant au bloc opératoire que lors des visites d’antalgie. Nous avons regretté l’absence de Josy, pour raisons de santé, le bloc opératoire, la logistique de la stérilisation centrale auraient bien eu besoin de son énergie et de son expérience.

Comme d’habitude, l’organisation générale a été impeccable, grâce à l’important travail de fond mené en amont des missions par Pierre et Monique, ainsi que l’Association ATACORA. Tout était prêt pour notre arrivée, des chambres à la maison des coopérants jusqu’à la salle d’opération, ce qui n’était pas garanti d’avance car nous arrivions en terrain inconnu. En effet, nous avons dû modifier notre destination finale et nous diriger vers l’Hôpital St-Jean-de-Dieu (HSJD) d’Afagnan (au Togo), renonçant ainsi à la traditionnelle mission à l’Hôpital St-Jean-de-Dieu Tanguiéta, pour des raisons sécuritaires.

Malgré les incertitudes quant aux locaux du bloc opératoire, le matériel et les médicaments d’anesthésie que nous aurions à disposition, les préparatifs ont pu être simplifiés grâce au travail des années précédentes et les fiches de matériel ainsi que de médicaments que nous avions créés et laissés dans l’intranet du service. L’idée était de voyager « léger » cette année et simplifier le matériel à prendre, en profitant de ce que nous avions laissé sur place en 2018 (matériel d’anesthésie et médicaments). Malheureusement, vu les diverses incertitudes logistiques, nous avons choisi de prendre suffisamment de matériel et de médicaments pour garantir le maximum de chirurgies. Après avoir transporté 3 valises de 32Kg en 2018, nous en avons eu 4… Au niveau du matériel qui nous avait fait défaut la mission précédente, nous avons rajouté un Hemocue (mesure de l’hémoglobine) et une EZ-IO (accès vasculaire d’urgence intra osseux) dénichés en seconde main sur internet, qui nous ont été très utile pour garantir la sécurité des patients.

Au final, nous avons été agréablement surpris des conditions de travail sur place qui dépassaient nos attentes, ainsi que des locaux mis à notre disposition, et ressemblaient en fait à celles rencontrées à Tanguiéta. Cela s’explique en partie par le fait que l’HSJD d’Afagnan a préfiguré celui de Tanguiéta, avec quelques variations locales. L’entier de la mission s’est ainsi très bien déroulé, sans problèmes majeurs. L’HSJD d’Afagnan fait aussi référence loin à la ronde et sa renommée permet un travail très important pour des populations qui accourent parfois de loin pour se faire soigner.

Nos trois chirurgiens ont pu opérer les cas prévus et réaliser ainsi de nombreux gestes de rétablissement fonctionnel. Nous n’avons dû récuser aucun patient, tous avaient bien été choisis et préparés en conséquence pour la chirurgie. Certaines situations étaient plus lourdes que les éditions précédentes et ont nécessité des opérations en plusieurs étapes. A deux reprises nous avons dû recourir à des transfusions, en raison d’anémies majeures préopératoires, ce qui reste, heureusement, un geste rare.

En raison des modifications des dates de voyage, nous sommes arrivés un jour en avance, ce qui nous a permis de tranquillement découvrir l’environnement de l’hôpital et les locaux du bloc opératoire, car tout était nouveau pour chacun. Les mots d’ordre de ce genre de mission étant improvisation et adaptation, chacun a trouvé les ressources nécessaires pour s’installer efficacement.

Comme d’habitude, les patients pédiatriques arrivaient en général perfusés, nous avons juste procédé à trois inductions gazeuses (Isoflurane©) pour les plus petits patients.

A la différence de Tanguiéta, le bloc opératoire possède une salle dédiée au réveil des patients, avec un scope et deux prises murales d’oxygène. Elle reste cependant sous-utilisée par le personnel local, en raison de manque d’effectif. Nous avons tout de même profité de faire de l’enseignement pour la surveillance postopératoire directe, car l’habitude est de renvoyer les patientes directement en chambre après une opération et la sécurité comme le confort des malades opérés sont améliorés pendant cette étape importante. A suivre.

Enfin, concernant la période postopératoire, nous avons remis sur pied une tournée d’antalgie du soir, doublée parfois avec la participation à la visiter chirurgicale matinale. De manière générale, les patients sont très courageux et montrent peu de signes de souffrance. Cette année, nous avons emmené de l’Oxycontin® (dérivé de la Morphine) à prendre par la bouche, ce qui a permis d’améliorer l’antalgie après certaines chirurgies douloureuses, tout en garantissant une bonne sécurité, car la Morphine intraveineuse est parfois difficile à utiliser en chambre.

Concrètement, nous avons menés 34 anesthésies, pour 27 patients, qui se décomposaient ainsi :

tableau manquant

NB : + 7 interventions en anesthésie locale pure sans prestation de l’équipe d’anesthésie sont hors de ces statistiques, donc 41 interventions en tout lors de cette mission

Les tranches d’âge et de poids se répartissaient ainsi :

tableau manquant

Le plus jeune patient anesthésié avait 2 ans pour 6 kg et le plus ancien 90 ans…

La proportion d’enfants opérés est restée similaire à 2017 et 2018, dans des gabarits plus grands.

Les prévisions de matériel et de médicaments emportés ont permis d’en laisser à nouveau sur place, à l’usage des équipes locales. Comme en 2018, afin d’alléger si possible les prochains voyages, nous avons pu trouver un arrangement avec la surveillante du bloc opératoire afin de laisser nos stocks inutilisés dans un local sous clef. Une liste détaillée du matériel et des médicaments laissés sur place est à disposition des prochaines équipes dans l’intranet du service d’anesthésie de Sion.

A noter que nous avons pu faire plus d’enseignement auprès des équipes anesthésiques locales que lors des éditions précédentes, car le personnel du bloc opératoire et un peu mieux pourvu qu’à Tanguiéta et pouvait ainsi participer au programme de la mission.

Un grand merci à toute l’équipe pour la collaboration exemplaire et la bonne entente.