Du vendredi 16 octobre au jeudi 5 novembre 2015
Hôpital de St Jean de Dieu à Tanguiéta, Bénin
Participants
- Joscelyne Eigenmann, instrumentiste
- Agnès Lattion, infirmière anesthésiste
- Monique Schertenleib, physiothérapeute et aide de salle d’opération
- Pierre-André Debons, chef du service technique CHVR
- Dominique Bellwald, médecin anesthésiste
- Ilias Petrou, médecin assistant, chirurgie plastique
- Pierre Schertenleib, médecin chirurgien plasticien
Au petit matin du 16 octobre, nous sommes partis pleins d’enthousiasme pour cette nouvelle mission. Parmi nous 4 « anciens » – Joscelyne Eigenmann, Monique Schertenleib, Ilias Petrou, Pierre Schertenleib– encadrent 3 nouveaux qui allaient faire leurs premiers pas en Afrique – Agnès Lattion, Pierre-André Debons, Dominique Bellwald.
Voyage par Air France Genève- Paris- Cotonou.
Nous étions lourdement chargés en matériel médical et technique (plus de 250 kg). Ce matériel a passé la douane sans problème, les portes s’ouvrant dès qu’il s’agit de l’Hôpital de Tanguiéta. Arrivée en soirée à Cotonou, nuit à l’hôtel et départ en minibus de l’hôpital le lendemain matin à destination de Tanguiéta, 650 km au nord de Cotonou. Le trajet a débuté par le constat d’une crevaison qu’il a fallu réparer. Ensuite plus de 11h de trajet par moments très difficiles en raison de l’état désastreux des routes.
Le lendemain, même si c’était dimanche, tout le monde s’est mis au travail, les uns faisant des consultations- les patients convoqués attendaient depuis des jours notre venue- les autres en déballant ou en mettant en place le matériel acheminé et faisant connaissance des lieux et des gens sur place.
Dès lundi tout le monde était à son poste de travail, 6 en salle d’opération et Pierre-André sollicité de partout au chevet des appareils déficients (onduleur, générateur d’oxygène, etc).
A partir de ce moment-là le rythme de croisière a été maintenu tout au long du séjour en travaillant du lundi au samedi inclus. Le dimanche est consacré pour certains à la messe de 07h30 puis au repos, au ménage de notre chambre, à la lessive et à des excursions dans les environs.
Interventions
Nous avons réalisé 36 interventions sur 34 patients dont la moitié d’enfants.
Les pathologies traitées ont été les suivantes :
- brûlures et séquelles de brûlures 14
- séquelles de traumatisme du membre supérieur 7
- tumeurs bénignes 5
- tumeurs malignes 3
- becs de lièvre 3
- divers : main et membre inférieur 4
Pour la consultation, les interventions, l’organisation des hospitalisations nous avons, au cours du séjour, été aidés efficacement par les Drs Romaric Tobomé et Roméo Haoudou. Ce seront eux qui assureront avec les 2 médecins chefs de chirurgie – les Dr Alassan Boukari et Fr.Florent Priuli- le suivi des patients que nous avons opérés.
Bloc opératoire (Joscelyne Eigenmann)
Le bloc comprend une grande salle d’opération munie de deux tables d’opération, et d’une salle plus petite avec une table d’opération. Ces salles sont climatisées (parfois à regretter d’avoir oublié son petit Damart en Suisse) . L’entrée du bloc opératoire sert au personnel, à l’arrivée des patients et de salle de réveil. Dans la grande salle deux équipes peuvent opérer en même temps. Le matériel à disposition est ancien. Tout ce que n’utilise plus l’Europe est ici grandement utilisé et fonctionnel. Le bloc est bien équipé. Il reçoit en permanence des équipes chirurgicales étrangères, comme c’était le cas lors de notre séjour où plusieurs équipes étaient sur place et occupaient l’ensemble du bloc. Il n’y avait pour les équipes locales de la place que pour les urgences. Les interventions électives attendraient.. Toutes sortes de chirurgie sont pratiquées du fait des compétences larges des chirurgiens locaux et des missions chirurgicales étrangères qui se succèdent tout au long de l’année dans toutes les disciplines. Lors de notre séjour nous étions avec une équipe belge pratiquant la chirurgie orthopédique infantile et un chirurgien de France pratiquant la chirurgie maxillaire . Tout le monde doit opérer, les programmes sont chargés et l’équipe de la salle d’opération de Tanguiéta s’adapte à toutes sortes de chirurgie, de techniques et de personnel étranger à longueur d’année. Comme tous ces coopérants amènent du matériel différent, leur faculté d’adaptation est rapide. L’uniformatisation du matériel pour faciliter le travail n’a pas cours ici. C’est un peu la caverne d’Ali Baba. La semaine se compose de six jours avec des horaires de 08h le matin jusqu’à ce que se termine le travail. Les gardes sont chargées. Il y a beaucoup de césariennes. Pendant notre séjour le travail s’est très bien déroulé car nous formions une équipe complète pouvant faire fonctionner une salle d’opération (chirurgien anesthésie instrumentiste aide de salle). Ce qui a permis a une partie de l’équipe de Tanguiéta de prendre des congés. Une troisième salle d’opération est en projet
La stérilisation centrale est attenante au bloc. A notre arrivée ils étaient en train d’installer deux autres autoclaves. La stérilisation centrale est minuscule par rapport au travail qui s’y fait. Ici le matériel à usage unique est inconnu. Tout est recyclé réutilisé (champs opératoires, blouses, compresses, etc.) Malgré cela il manque encore des choses de base. Le manque fait que le système débrouille est très présent et l’on ne peut être qu’admiratif devant leur inventivité pour régler certains problèmes sans que cela ne coûte de l’argent mais seulement de l’imagination et de la participation.
Grace aux instruments de chirurgie amenés dans nos bagages cette année, Emilie la responsable du bloc opératoire et de la stérilisation et moi même avons fait de nouveaux plateaux de chirurgie pour les interventions ce qui a facilité l’enchaînement des programmes opératoires. Nous emmenons le maximum possible de matériel dans nos bagages, le reste part par container. Nous revenons avec la liste du matériel nécessaire que nous devons en partie acheter. C’est un plaisir année après année de constater le niveau élevé des interventions faites dans ce bloc, et celles faites par les chirurgiens locaux pour s’adapter à des situations que nous ne connaissons plus en Europe. L’hôpital de Tanguiéta draine aussi beaucoup de patients des pays voisins .
Compte rendu des anesthésistes (Agnès Lattion et Dominik Bellwald)
Arrivés à Tanguiéta le samedi soir, nous avons découvert le bloc opératoire le lendemain. Agréablement surpris par le matériel sur place, nous avons rapidement pris nos marques malgré l’absence d’oxygène (rapidement réparé par notre collègue du service technique).
Pendant ces deux semaines, nous avons réalisé 34 anesthésies, dont environ la moitié sur des enfants (dont 6 de moins de 10kg). Nous n’étions pas préparés à un tel pourcentage de cas pédiatriques mais avons heureusement pu compter sur nos collègues belges présents la deuxième semaine, qui nous ont donné du matériel et des médicaments adaptés.
Nous avons également été surpris par le nombre de brûlés et l’état pulmonaire de nos patients, mais avons pu collaborer avec une équipe locale intéressée à apprendre de nouvelles techniques et soucieuse de notre bien-être.
En plus de l’activité au bloc, nous avons réalisé quotidiennement une visite d’antalgie pour les patients du jour et les opérations les plus conséquentes.
Même si les moyens manquaient parfois, nous avons trouvé que l’organisation générale était très bonne, tout comme l’ambiance qui régnait entre les différents coopérants.
Malgré la chaleur et l’humidité (et de la fièvre pour l’un d’entre nous), nous garderons de cette expérience un excellent souvenir.
Service technique (Pierre-André Debons)
Le but premier de la mission était de réparer et de mettre en fonction un onduleur UPS (appareil qui sert à éviter les grandes variations de tension survenant lors des fréquentes coupures de courant du réseau et suppléées par le générateur de l’hôpital) qui avait été envoyé depuis l’Hôpital de Sion. Selon les échanges avec M.Narumbo (responsable du service technique de l’hôpital), un problème de refroidissement empêchait le bon fonctionnement de l’appareil. Une pompe de rechange a été emportée dans nos bagages afin d’effectuer le changement sur place. Une fois cette pompe changée, j’ai pu mettre en service l’UPS afin de garantir le fonctionnement sans coupure dans le bloc opératoire.
Néanmoins, dès le premier jour, plusieurs pannes m’ont été signalées. J’ai essayé de les traiter avec un ordre de priorité qui me semblait approprié.
Le premier dimanche de notre séjour, j’ai réparé la chaise du cabinet de dentiste qui était bloquée en position inadéquate.
Les jours suivants, j’ai consacré toute mon énergie au manque d’alimentation en oxygène dans tout l’hôpital. L’ancien producteur était en panne depuis 3 mois et la mise en service du nouveau producteur causait des problèmes. Après 6 jours de mise en service, la nouvelle installation produisait enfin suffisamment d’oxygène pour alimenter tout l’hôpital.
Un autre problème du bloc opératoire était le manque d’aspiration (vide) des prises murales. J’ai donc débouché toutes ces prises d’aspiration. Les aspirations des soins intensifs ont aussi été dépannées.
J’ai profité des 3 derniers jours pour réviser les moteurs pneumatiques du bloc opératoire, réparer 2 stérilisateurs et réaliser diverses petites réparations.
Cette expérience « Africaine » était une première pour moi, j’ai découvert un monde que je ne connaissais pas, entremêlé d’images étonnantes et de traditions anciennes. La simplicité qui y règne voire une certaine pauvreté est assez marquante avec un choc d’extrêmes y opposant natel et recherche d’eau ou de bois.
La grande différence pour moi a surtout été de traiter de véritables problèmes techniques contrairement à ce que je vis au quotidien à l’Hôpital de Sion où de nombreuses futilités sont pour certains de véritables catastrophes.
Physiothérapie
Monique Schertenleib a pris en charge nos patients opérés qui pouvaient bénéficier de soins de physiothérapie (mobilisation, drainage lymphatique). Les séances en plein air à l’ombre des arbres étaient très appréciées. D’autre part Monique pu grâce à sa ténacité obtenir la mise en fonction dans le service de physiothérapie de la table de verticalisation envoyée par container depuis Sierre quelques mois auparavant.
Richesse des rencontres
La mission ne se résume pas au travail. Elle est enrichie par les rencontres que nous sommes amenés à faire au contact des professionnels de l’hôpital, des patients et des autres coopérants avec qui nous partageons l’hébergement. Parmi eux nous avons eu le plaisir de connaître ou de revoir Michela, sage-femme , Giorgio dentiste, Evelyne médecin interniste, Marc médecin généraliste, Anselmo maçon, Gianmario biochimiste. Nous avons eu également la chance de voir longuement le Frère Florent à plusieurs reprises. Il nous a informé de la situation difficile de l’Hôpital après les évènements rencontrés en 2014, Ebola en Afrique de l’Ouest mais surtout le tragique décès de 6 membres du personnel soignant dont le Dr Guy Ahouanou chef de la pédiatrie, emportés par une autre fièvre hémorragique endémique en Afrique sub-saharienne, la fièvre de Lassa. Peu après l’Etat du Bénin a engagé de nombreux professionnels pour ses hôpitaux et beaucoup sont partis de l’hôpital de Tanguiéta encore en état de choc. L’Hôpital se trouve donc actuellement en déficit de professionnels qualifiés. Des gens sont en formation mais cela prendra encore du temps. D’un point de vue général Tanguiéta se trouve dans une zone de population pauvre dont la situation précaire a tendance à s’aggraver au fil des années. La téléphonie portable, si elle amène des avantages indéniables, est aussi une source d’appauvrissement dans la mesure où les gens y laissent leurs maigres revenus qui ne peuvent alors être consacrés aux besoins essentiels comme la nourriture, l’éducation ou la santé. Les motos chinoises prolifèrent aussi en produisant les mêmes effets. Les paysans subissent dans leur santé les agressions des produits- engrais, désherbants- interdits chez nous mais toujours vendus dans les pays du tiers monde par nos entreprises. Les géants de l’agro-alimentaire en imposant leurs produits rendent les paysans pris au piège au point que souvent l’argent de la récolte a été dépensé en achats (semences-engrais) avant même d’avoir planté la première graine. On assiste ainsi à une épidémie de suicides chez ces paysans qui ne trouvent pas d’issue à leur situation.
Parrainages et soutien aux démunis
Sœur Carmen est une autre figure de l’Hôpital de Tanguiéta. Elle est responsable de la lingerie et de l’intendance en étant en plus active dans le domaine de l’éducation à l’école de l’Hôpital et en organisant des parrainages d’enfants en âge scolaire. Nous avons pu lui remettre en mains propres les fers à repasser offerts par Atacora-Valais et dont elle avait grand besoin.
Le parrainage -200.- CHF par an – comprend la prise en charge de l’enfant :
- au niveau de sa scolarisation : fournitures scolaires, frais d’inscription, frais administratifs (acte de naissance, carte d’identité)
- au niveau de ses éventuels frais de santé
- une aide pour manger
- peuvent s’ajouter des frais de transport ou de logement pour ceux qui habitent loin.
L’engagement du parrain est de :
- 12 ans pour un petit enfant qui débute sa scolarité
- 5 ans pour un grand
- 3 ans pour un apprenti Un apprenti est assimilé à un écolier car non seulement il ne touche pas de salaire mais il doit en plus payer pour sa formation.
Au cours de cette mission nous avons eu l’immense plaisir de concrétiser le parrainage d’une fillette grâce à la générosité d’une sédunoise.
Espérons que beaucoup d’autres suivront.
Sœur Carmen gère également la vente de bracelets en fibre végétale fabriqués par les femmes de la région de l’Atacora. Leur vente constitue pour elles un complément de revenu. De notre côté nous les achetons en quantité par l’intermédiaire de Sœur Carmen pour les revendre en Suisse. Le bénéfice de cette vente est reversé à Sœur Carmen et sert à financer les hospitalisations de longue durée de gens démunis.
Et en 2016 ?
Nos projets seront entre autres :
- une nouvelle mission chirurgicale en juin-juillet
- collecter des fonds pour la construction de la nouvelle salle d’opération
- rechercher de nouveaux parrainages
- acheminer du matériel médical à Milan pour envoi par container
- faire connaître et encourager l’adhésion à Atacora- Valais
Sion, janvier 2016 – Pierre et Monique Schertenleib